L’IRRÉSISTIBLE CHUTE DE TOUS LES RÉGIMES ARABES
” CHAQUE JOUR QUI SE LÈVE EST UNE LECON DE COURAGE “
Jean-Edern HALLIER
Un article de RUE 89 compare la chute du mur de Berlin aux évènements qui bouleversent aujourd’hui les pays Arabes :
http://www.rue89.com/2011/01/29/le-monde-arabe-vit-sa-chute-du-mur-de-berlin-188041
Cet article a suscité notre pleine adhésion.
Nous pensons en effet qu’en politique le facteur le plus imprévisible est le facteur humain.
Et que, corrélativement, le seul facteur invariable de la politique est le facteur humain.
Or le facteur humain, imprévisible mais invariable dans son omniprésence, tend à la liquidation des régimes Arabes en place : les peuples ont pris conscience de leur invincibilité et rien ne pourra plus les arrêter. Ce facteur humain imprévisible peut être comparé à ces réactions imprévues qu’évoquait pour nous une commerçante : “les choses sont à priori prévisibles. Le marketing nous donne les clés du comportement des clients et cela fonctionne en général. Mais, tout d’un coup, des réactions de groupe font qu’un jour apparemment comme les autres tous les clients vont demander la même chose alors qu’ils ne se connaissent pas entre eux et que ce produit n’a fait l’objet d’aucune campagne publicitaire, comme si un message subliminal, qu’eux-mêmes ne formulent pas et qui n’est formulé nulle part fait qu’un jour tout le monde a la même demande d’un produit ou d’une couleur…”
Comme si dans leur inconscient était inscrit quelque chose qu’ils devaient faire ce jour là. On observe la même chose chez les animaux où des nuées d’oiseaux vont se déplacer de façon parfaitement coordonnée en dehors de tout période migratoire.
C’est pour cela que tous les spécialistes du Moyen orient ou du monde Arabe répondent à côté car ils ne peuvent donner une réponse : les événements ne rentrent pas dans le champ normal du prévisible : Tariq Ramadan a dit hier “si on m’avait posé la question sur l’Egypte après la Tunisie, j’aurais dit que c’était impossible”.
Les spécialistes ne sont pas des gens de terrain et on n’écoute malheureusement pas les gens de terrain comme l’attaché militaire de l’ambassade de France en Tunisie qui avait averti dès septembre l’ambassadeur de l’état d’esprit du pays et qui n’avait pas été écouté.
A noter d’ailleurs que même après l’événement imprévisible, on n’écoute toujours pas les gens de terrain… et c’est pourquoi MAM est partie en vacances offertes par un proche de BEN ALI alors que la révolution avait commencé plus de dix jours avant !
Nous ne prétendons pas prédire l’avenir, loin de là, mais en parlant entre amis des deux rives nous nous apercevons que nos constatations sont très similaires :
tout d’abord nous sommes tous étonnés des discours Européens, et particulièrement Français, qui donnent l’impression d’être toujours en retard sur l’évènement, du style : “la Tunisie, d’accord, mais l’Egypte ou le Maroc, c’est différent”…
Et nous constatons ensuite que cette attitude trouve son origine dans les discours venant des dirigeants des pays concernés eux-mêmes, tel EL ASSAD qui déclare que le Syrie ne connaîtrait pas les mêmes problèmes : “et si les révoltes tunisienne et égyptienne suscitent l’espoir d’une contagion dans la région, Bachar al-Assad assure que son pays n’est pas concerné: “La Syrie est stable, bien qu’elle passe par des conditions plus difficiles que celles de l’Egypte, qui reçoit une aide financière des Etats-Unis alors que la Syrie est sous embargo”. Nouvelobs.com avec AFP.
Ou au Maroc, Tahar Ben Jelloun qui explique sur France Info que ce qui se passe en Tunisie était visible mais différent : “je ne pense pas que ce soit une révolution. C’est une révolte qui est arrivée par hasard et en même temps préparée par vingt ans de répression. Le Maroc n’a rien avoir avec tout ça. La presse est assez libre, les gens respirent, les gens parlent.”
Ou en Algérie : la secrétaire générale du Parti des travailleurs (PT), lors d’une conférence de presse organisée au siège de son parti à Alger : « l’Algérie n’est pas la Tunisie, le régime algérien n’est pas le régime tunisien. Ceux qui le prétendent ont d’autres objectifs. Notre parti ne donne pas dans l’amalgame. On ne trompe pas les citoyens en leur faisant croire à une importation de la révolution. Ainsi, l’importation de la révolution qui a coûté la «vie» à l’ex-régime tunisien est une possibilité exclue”.
En bref chacun pense que c’est arrivé à l’autre parce qu’il n’avait pas fait ce qu’il fallait et que les choses seront différentes chez lui. Et de ressortir là les différences réelles entre les situations de chaque peuple, en oubliant de voir la principale ressemblance qui est dans chacun de ces pays le mouvement irrésistible des peuples.
Eh bien nous sommes au contraire persuadés que dans un délai très réduit, de moins de deux ans en tout cas, la plupart des pays Arabes connaitront le même processus. Sans nous hasarder à dire dans quelles ordres les choses se passeront nous pensons que le Maroc, l’Algérie, la Syrie et la Jordanie, au moins, verront de grands bouleversements : ce sera l’effet MUR DE BERLIN.
Il nous semble que toutes les réactions contraires relèvent de l’incantation et que chacun cherche à se rassurer. Si c’est très humain, ce n’est pas très efficace et il est temps pour nos dirigeants tant Européens qu’Arabes de prendre, enfin, la juste mesure des choses. C’est à peu près aussi dérisoire que la réaction de Moubarak qui fait survoler le Caire par des avions de chasse ou que celle de Ben Ali qui promet 300 000 emplois en deux ans. Il y a là un phénomène semblable à celui du cocu : tout démontre qu’il l’est. Il en voit de nombreux signes, du bonheur caché de sa femme à ses absences répétées. Il ne va jamais le formuler car son état deviendrait une réalité pour lui. Et pourtant c’est une réalité !
Ou du malade qui se sait atteint gravement et qui va refuser de prononcer le nom de sa maladie. Ce qu’il a n’est rien, une maladie banale qui ne prend pas son vrai sens tant qu’elle n’est pas formulée. Or ces états Arabes sont malades et les symptômes sont en train de leur exploser à la figure. Ils ne peuvent plus les juguler. Ce qu’ils savent au fond et ce qu’ils redoutent est écrit sur des banderoles brandies par le peuple dans les rues !
Et, au delà du monde Arabe et de l’Europe, certains gouvernements, comme le gouvernement Iranien, devraient commencer eux aussi à se poser des questions…
En tout cas nous prenons le pari qu’en moins de deux ans –beaucoup moins sans doute– le mur des dictatures du Maghreb et du Moyen Orient sera tombé.
Et à tous nous disons relisez “la cause des peuples” de Jean-Edern Hallier, le moment est venu.